Nainwak's World

King Skunk

« À vos ordres, mon Général. ».
Le colonel tourna les talons et s’éloigna, raide comme un piquet. Le hall du siège des Nations Unies était plutôt désert ce matin-là, aussi la voix du Général se répercuta jusqu’au dôme gigantesque qui les surplombait quand il rappela son secrétaire personnel.
« Colonel ! Un instant, j’ai failli oublier.
Le colonel revint sur ses pas aussi vite qu’il était parti. Il se planta devint son chef et attendit.
- Colonel, avez vous fait vérifier que la connexion internet de ma chambre à l’Hôtel Hilton est, euh, sécurisée ?
- Pas de problèmes, mon général. Nos services ont validé la ligne. Garantie sans écoute ni piratage.
- Merci. C’est tout ce que je voulais savoir »
Le Général se rendit à sa réunion ennuyeuse avec les ministres des affaires étrangères du G8, puis il regagna sa chambre où il espérait faire une sieste après les dernières 24 heures épuisantes passées à l’ONU.
Arrivé à l’hôtel, il referma soigneusement la porte de sa chambre et entreprit de fouiller méthodiquement chaque pièce, chaque coin susceptible d’abriter un micro ou un intrus. C’était de la routine, mais il ne se sentait pas l’esprit tranquille s’il ne s’y pliait pas.
Rassuré, il ôta son uniforme et défit sa cravate. Le sommeil le minait.
Mais pas de sieste tant qu’il n’aurait pas vérifié quelque chose de très important.

Il alluma son ordinateur portable et le connecta au réseau de l’hôtel.
Il regarda encore une fois autour de lui, nerveusement, avant de pianoter quelques codes d’accès sur son clavier.
« Yes !! Toujours en vie !! »
Conscient d’avoir parle à voix haute, le Général retint sa respiration quelques secondes. Aucun bruit dans le couloir. Je suis parano, songea-t-il. Personne ne me surveille.
Il reporta son attention sur son nain. Une lampe à nions traînait à deux cases : j’y vais ou j’y vais pas ? se demanda le chef d’état-major de l’OTAN, refroidi depuis qu’il s’était fait fragué en voulant récupérer une calculette la semaine précédente.
Il avait beau avoir les plus hautes décorations militaires de la planète, sa stratégie sur Nainwak était minable. Sa guilde l’avait lâché pour « refus de suivre les ordres », et maintenant il se faisait harceler par des petits niveaux. Mais Georges, cet incapable, lui, il avait un super nain, il avait toujours la combine pour finir les frags des autres.
En parlant du loup… le téléphone sonna, ligne ultra-confidentielle.
« Allo, Général ?
- Bonjour, monsieur le Président.
- Bon, j’ai pas le temps de te parler longtemps. J’ai un service à te demander.
- Je vous écoute.
Le Président des États Unis d’Amérique baissa d’un ton.
- Pourrais-tu, euh, jouer mon nain ? J’ai une réunion avec Powell, et je dois être au max de mes PA… tu connais mon password.
- C’est à dire… c’est du multinanisme, Monsieur le Président !
- Et alors ? On s’en fout !
- La dernière fois on a eu chaud, j’ai reçu un avertissement..
- Bahhh, une fois, rien qu’une ! Allez, fais-ça pour moi !
- Je regrette, mais je ne veux pas risquer mon nain pour..
- D’accord. Puisque tu m’y obliges : c’est un ORDRE !!
- C’est anticonstitutionnel, Monsieur le Président ! Euh, contre les règles !
- Écoute, Chirac, lui, il n’hésite pas à faire jouer son nain par d’autres.
- Chirac ?
- Oui. Tu te souviens, le nain « nain10solution » qui t’a frappé, l’autre jour, eh bien c’est lui, le FBI est formel. Maintenant il est sur ma case, le salaud. Il a dû me reconnaître. Tony n’était pas très content quand je lui ai dis ça, il a créé une guilde rien que pour le traquer, le Jacques ! Alors tu vas jouer mon nain, d’accord ?
- Alors comme ça c’était lui… ça change tout, Monsieur le Président. Je vais me connecter avec votre login et lui faire bouffer des grenouilles, au Français.
- Bien. Alors on se revoit demain, à l’ONU. Bonne journée.
- Bonne journée, monsieur le…. beep, beep, beep, beep… »
Le Général se déconnecta à contre-cœur de son nain, et ouvrit une nouvelle session avec « nain eleven », le nain de Bush. Le Président avait secrètement appris le français rien que pour jouer à Nainwak, mais il n’était pas vraiment à l’aise.

Et hop, la page se chargea…

Merde ! « nain eleven » avait été massacré par … « nain10solution ». Merde et re-merde. Le Président allait faire une crise de nerf, comme le jour du Bretzel, où son nain avait explosé avec un tie-fighter pourri.
Frappé six fois à coups de machettes, par Chirac par-dessus le marché. Un motif de guerre.
Bzzzz…. Bzzzz … Encore un téléphone. Celui qui était caché dans la doublure de son képi. Un téléphone miniature made in France… Énervé, le Général décrocha :
« Jacques ! Je t’ai demandé de ne JAMAIS m’appeler quand je suis à New-York !!!!
- Allez, fais pas la gueule ! Je l’ai eu ! J’ai eu son p….n de nain du Texas ! Et un et deux et trois, ZÉRO !!! La râclée que je lui ai foutue !
- J’ai vu ça. Je suis loggé sous son compte.
- Ah bon ? Tu n’as pas peur des admins ?
- Je n’ai pas trop eu le choix, si je voulais écarter les soupçons.
- T’as raison, Léon. Continue, sans toi je ne l’aurais jamais retrouvé le Bush. Et Tony, tu sais où se planque son nain ?
- Non. Il ne me fait pas confiance. Je pense même qu’il en a plusieurs.
- Le f… de p… ! Je vais mettre la DST sur le coup, ça ne va pas se passer comme ça ! Bon, j’ai un apéro avec Gerhard… on va mettre une guilde sur pieds !! A plus tard, Gaspard.
- A plus tard, Jac….beep beep beep… »

Le Général se servit un scotch on the rocks. Sa situation devenait périlleuse. Il sortit de sa manche un téléphone microscopique et composa un numéro compliqué sur le cadran translucide.

« Allo, oui, passez-moi le PM. De la part de « Boud’nain étoilé ». Dites-lui que c’est urgent.
Le Général sirota sa boisson en attendant le Premier Ministre britannique.
-Allo, Boud’nain ? Qu’y a-t-il ? je suis très occupé avec Sylvio, alors…
- La première phase du plan a marché, Tony, « nain eleven » s’est fait dégommé par « nain10solution ». Mais Jacques veut te localiser, il a l’air motivé !
- Laissons-le venir. Il n’est pas au bout de ses surprises. J’ai raconté à Elizabeth qu’il voulait lui piquer sa Formule 1… Elle était furieuse !
- Quoi ? La vieille aussi, elle joue ?
- Du respect, please. Elle se débrouille plutôt bien, mieux que son crétin de fiston.
- Son fis... OK, je ne veux pas en savoir plus. Le pape aussi, pendant qu’on y est !
- That’s right ! Et tu sais quoi ? Il est Sadique !! Et il veut devenir Satan, tu imag… beep beep beep… »

Le Général avait raccroché. Il n’en pouvait plus. Le jeu devenait trop compliqué.
Il finit son verre et s’effondra sur son lit. Le sommeil le gagna aussitôt.

Que c’était dur d’être mortel ! Il aurait dû envoyer quelqu’un d’autre à sa place.
Mais la tentation de retourner sur Terre après tous ces siècles avait été la plus forte. Pour réaliser son rêve de toujours, Lucifer, alias Satan, était prêt à prendre tous les risques.
Y compris celui de finir coincé dans l’enveloppe charnelle d’un général alcoolique, sans avoir la garantie de devenir un jour Dieu.
Il lui faudrait encore beaucoup de points de côté. Mais c’était le Jeu.